Joselyne  CHARLIER

AU FONDEMENT DE MA PRATIQUE

Ma pratique est influencée par ma conception de l’être humain en tant que personne et s’inscrit dans le courant humaniste et existentiel auquel appartient l’Institut auquel je suis affiliée : L’Institut de Sophia-Analyse de Paris.

C'est ainsi que ma pratique s’est édifiée à partir des contributions de la psychanalyse existentielle. Centrée sur la personne et son environnement, dans la singularité et l’actualité de son vécu, la psychanalyste que je suis va accompagner son analysant(e) en souffrance à trouver sa place, à être acteur de sa vie, à inventer son chemin.

Par ailleurs, ma pratique s'est également construite à partir des apports de la psychanalyse (freudienne, anglaise, etc.) que les analystes contemporains ont fait leurs, qu’il ne s’agit pas de répéter, mais de continuer à développer, à enrichir par de nouvelles explorations cliniques (quelques uns de mes auteurs de référence). C’est en effet la capacité d’écouter les personnes en thérapie analytique sans a priori théorique, c’est-à-dire sans partir de ce qu’il sait déjà, que l’analyste pourra entendre ce que ses analysant·e·s ont à lui apporter de nouveau. Et c'est en oubliant les théories le temps de la séance, qu'il est au plus près de la problématique de son analysant.

Devenir analyste : se former et mûrir

Devenir psychanalyste exige un cursus de formation très long et jamais terminé.

D’abord, commencer par une psychanalyse personnelle qui forme en particulier à l’écoute de l’inconscient.

En ce qui me concerne, j’ai effectué une très longue psychanalyse classique avec une lacanienne et j’ai repris bien plus tard une thérapie individuelle avec une analyste existentielle formée à la méthode sophia-analytique et, simultanément, une thérapie de groupe.

Parallèlement, se former au plan théorique et pratique. Il faut distinguer l’apprentissage des théories et des connaissances fondamentales (en particulier la psychopathologie) qui peuvent s’acquérir à l’université comme en institut, de la pratique qui, elle, s’acquiert par la mise en œuvre d’une méthode et de l’expérience de celle-ci, uniquement en institut.

En ce qui me concerne, au plan théorique,
J’ai acquis les fondements des différents champs de la psychologie à l’université de Reims, puis j’ai suivi les cours en psychologie du travail au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) de Paris. En psychanalyse proprement dite, je suis allée à la découverte de la psychanalyse freudienne en suivant des cours à l’EPCI (Ecole de Propédeutique à la Connaissance de l’Inconscient) et de la psychanalyse lacanienne en suivant un séminaire à l’AFI (Association Freudienne Internationale). Enfin, après une longue recherche, j’ai choisi de devenir psychanalyste existentielle, c’est ainsi que j’ai repris, élargi et complété ma formation à l’ISAP (Institut de Sophia-Analyse de Paris).

Au plan pratique et clinique,
La formation à l’Institut de Sophia-Analyse de Paris comporte des études de cas cliniques et des mises en situation de thérapeute de groupe, premières expériences pratiques pour le (la) futur sophia-analyste. Lorsque l’autorisation d’exercer est accordée, l’analyste en formation bénéficie d’une supervision individuelle auprès d’un collègue accrédité et de séances de supervision collective.

Le diplôme obtenu, la formation continue. Dans la réalité du travail quotidien, théorie et pratique clinique ne peuvent être dissociées. La conception théorique du processus analytique de l’analyste influence son travail clinique et inversement, l’expérience des séances avec les analysants transforme et nourrit les théories qui l’habitent. La psychanalyse ne s’enseigne pas, il ne s’agit pas de dispenser un savoir, de donner des réponses, il s’agit de favoriser le développement de la pensée de chaque analyste. Rien n’est pensé une fois pour toutes, il est nécessaire de penser à chaque fois, avec chaque analysant.

C’est ainsi que je participe au sein de mon Institut aux intervisions entre collègues, aux séminaires de réflexion sous la forme de communication sur un thème donné, de débats et d’écritures d’articles. Je participe également à des congrès organisés par la Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse.

Ma conception de l’être humain

Comme je l’ai dit plus haut, ma pratique est influencée par ma vision de l’être humain que je résumerai par cette formulation empruntée à Vincent de Gaulejac : « l’individu est le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet ».

Et si...

La liberté vue d'Alcatraz

© Laure Bruant, , San-Francisco, 2018

L’être humain est avant tout un être relationnel, en interaction avec son environnement et dépendant de celui-ci. Il est le produit d’une histoire qui commence avant même sa conception, qui prend racine dans les générations qui le précèdent, se poursuit jusqu’à la fin de l’adolescence, moment où le jeune adulte émergeant commence, dans le meilleur des cas, à devenir le sujet de son histoire. C’est en effet à ce moment de sa vie qu’il s’interroge et pense par soi-même les problèmes de son existence et ceux du monde. Il est confronté à la question du sens : sens de la vie, sens de sa vie. Mis socialement en position de faire des choix, de se penser et de se projeter, il découvre qu’il dispose d’une certaine marge de liberté, qu’il est capable de décider et de s’engager.

Cette naissance à soi-même peut ne pas intervenir au tout début de l’âge adulte lorsque les conditions n’ont pas été réunies, mais elle n’est pas pour autant impossible. Elle peut prendre du temps et le travail sur soi en analyse représente une chance d’y parvenir. Le travail de l’analyste existentiel consiste à mettre tout en œuvre pour que la personne qui vient en analyse advienne comme Sujet.

Pour conclure, je dirai que l’être humain est un être en devenir dont l’existence n’est pas déterminée une fois pour toutes par son passé infantile. La sophia-analyse met l’accent entre autres choses sur l’aspect créatif de la personne au sens où chacun a le pouvoir de trouver et de mettre en œuvre de nouvelles solutions quand ce sur quoi elle s’est construite ne fonctionne plus, voire s’effondre. Trouver de nouvelles solutions sera la tâche conjointe de l’analyste et de son analysant.

La sophia-analyse

Que recouvre le terme “sophia-analyse” ?

Le terme “sophia-analyse” évoque une articulation philosophique et psychanalytique. La philosophie grecque est convoquée au travers du terme sophia “sagesse” et la psychanalyse au travers du terme analyse qui indique à la fois une investigation intérieure et un aspect thérapeutique (ne dit-on pas : “je suis en analyse”). Ces deux éléments font référence à la connaissance de soi.

“Connais-toi toi-même et tu connaîtras tout l’univers”

Ce précepte gravé sur le frontispice du temple d’Apollon à Delphes invite à une aventure intérieure dans le domaine du conscient : la connaissance de soi. La recherche de la connaissance de soi n’est pas une fin en soi, un effet du narcissisme, mais un moyen, dans la Grèce antique, de parvenir à la sagesse [sophia]. Dans un de ses dialogues de jeunesse1, Platon fera dire à Critias “se connaître soi-même, c’est cela la sagesse” et Socrate ajoutera que la sagesse consiste à savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas.

Le Moi “n'est pas même maître dans sa propre maison […]
il en est réduit à de maigres informations sur ce qui survient
inconsciemment dans sa vie d'âme”2.

Un peu plus de 2000 ans plus tard, l’évidence énoncée par Socrate sera mise en doute. Un autre aspect de la connaissance de soi émergera en philosophie puis en psycho-analyse : la découverte de l’inconscient.

La philosophie grecque et la psychanalyse invitent donc à mieux se connaître, mais dans quel but et comment faire ?

Qu’est-ce que la sophia-analyse ?

La sophia-analyse se rattache au courant psychanalytique existentiel et appartient par là, au vaste courant humaniste. Elle place l’être humain au cœur de sa problématique, non seulement en tant que Sujet, mais encore en tant que Personne. La pratique de la sophia-analyse ne peut donc être le résultat d’une application de telle ou telle théorie (voire d’une prescription) ; il s’agit, toute proportion gardée, de “réinventer” la théorie avec chaque personne en fonction de ses singularités.

Dans le même esprit, la sophia-analyse ne propose pas une théorie conçue une fois pour toute, elle évolue en fonction des problématiques cliniques rencontrées. Même si le dispositif analytique préserve l’analysant des interférences externes et donne la primauté à l’expression de la subjectivité, le monde social est présent à l’arrière-plan. La sophia-analyse, loin de l’ignorer, intègre l’évolution de l’environnement sociétal et les mutations sociologiques dans sa réflexion et ses pratiques analytiques.

La sophia-analyse est une thérapie par la parole et par l’écoute, son outil est la relation. Elle est un système organisé de théories issues de la psychanalyse, de la psychanalyse existentielle et de ses propres recherches.

Que vise la sophia-analyse ?

La sophia-analyse vise avant tout à soulager voire à libérer la personne de la souffrance psychique née des blessures de son histoire, sachant que la particularité de la sophia-analyse est de considérer les blessures les plus archaïques, celles reçues durant la vie intra-utérine. Elle vise encore, en tant que psychanalyse existentielle à permettre à l’analysant de naître à soi-même en tant que Personne et d’affronter la souffrance liée à sa condition humaine afin de récupérer sa capacité à agir, à développer sa créativité ; la sophia-analyse, dans sa dimension “sophia”, tend vers une meilleure qualité de vie.

1 Cf. Platon, Charmide ou De la sagesse, 164d-167a, trad. E. Chambry, Garnier-Flammarion. 1967, pp. 287-291
2 Freud Sigmund, 1915-1917, Leçons d'introduction à la psychanalyse, XVIII, “La fixation au trauma, l'inconscient”, Œuvres complètes, XIV, PUF, 2000, p. 295.

Quelques uns de mes auteurs de référence

Parler d’auteurs de référence signifie seulement que ce sont des psychanalystes que j’apprécie plus particulièrement pour leur créativité et pour des motifs que j’exprimerai le moment venu et ne signifie pas qu’ils soient les seuls auxquels je suis redevable pour ma formation.

Erich Fromm (1900-1980)

Erich Fromm

Erich Fromm est philosophe, psychanalyste et psychosociologue [“le” psychanalyste et psychosociologue de l’Institut de recherches sociales, avant son émigration aux Etats-Unis (voir la notice sur l’Ecole de Francfort)].

Issu d’une famille juive allemande, Erich Fromm aimait à raconter cette histoire : un élève voit que le rabbin est d’humeur triste et il lui demande : « Maître, pourquoi êtes-vous triste ? Êtes-vous triste de n’avoir pas atteint les sommets du savoir, de ne pas posséder les plus grandes vertus ? ». Le Maître dit : « Non, ce n’est pas pour cela que je suis triste. Je suis triste de ne pas être devenu totalement moi-même ». Mais est-il seulement possible de naître à soi-même dans la totalité de son être au cours de sa vie ? Peut-être peut-on s’approcher de cet idéal…

Erich Fromm est une personne et un psychanalyste fondamentalement humaniste. Il est en effet animé par un profond amour de la vie et de l’être humain, doté selon lui de potentialités qui s’actualiseront ou non en fonction de son environnement (adéquat ou non). Il est l’un des premiers analystes à s’être rendu compte de l’impact de la société sur le psychisme de ses analysants. Il a développé la notion de “caractère social” qu’il définit comme le mélange de la sphère psychique individuelle et de la structure socio-économique. Il pense l’être humain comme le produit à la fois du milieu social, de la culture environnante et d’une progressive construction de soi. A ses yeux, par exemple, la névrose résulte d’un conflit entre la pulsion innée de croissance de l’être humain et les forces environnementales qui font obstacle à son développement. Cependant et malgré l’influence de la culture et des systèmes économiques, l’individu peut atteindre quelque chose d’essentiel à ses yeux : la liberté. Il s’agit non seulement de se libérer des contraintes externes mais encore de s’émanciper des passions internes. Ce serait parvenir à un développement complet de ses potentiels intellectuel, culturel, émotionnel et sensuel.

Erich Fromm accepte une grande partie des concepts développés par Freud et reconnaît l’originalité et la grandeur de sa pensée. Il a voulu comprendre l’homme Freud et son œuvre dans son contexte (le XIXème siècle), dans son entièreté et ses contradictions. C’est ainsi qu’il a été amené à formuler ses désaccords et à critiquer Ernest Jones pour sa biographie de Freud, éminemment hagiographique. J’apprécie Erich Fromm pour son esprit libre, capable de défendre ses convictions au risque de subir les foudres de l’orthodoxie psychanalytique.

Erich Fromm, comme Antonio Mercurio le fondateur de la sophia-analyse, se préoccupe du devenir de l’espèce humaine. Son livre Avoir ou être ? Un choix dont dépend l’avenir de l’homme, pose effectivement de manière empirique la question, dès 1976, d’un choix entre ces deux modes d’existence. A ses yeux, l’être humain est aliéné au sein de la société capitaliste, il a perdu le sens de soi, celui de la fraternité et de l’amour d’autrui. Fromm comme Mercurio accordent tous deux une grande importance à l’amour, cette aptitude à se relier à une autre personne dans le respect de la séparation psychique et de l’intégrité de chacun. Ils posent également tous deux la question du sens de la vie et du rapport à soi, la question d’une éthique et d’une esthétique de l’existence.

Antonio Mercurio (1930-2022)

Antonio Mercurio

À venir

 

 

 

 

 

 


René Roussillon (1947-)

René Roussillon

À venir

 

 

 

 

 

 


Donald W. Winnicott (1896-1971)

Donald W. Winnicott

Donald W. Winnicott, pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique. Son choix initial orienté vers la pédiatrie a conditionné dans une large mesure son champ d’investigation en tant que psychanalyste : les toutes premières années de la vie de l’enfant dans son rapport à l’environnement.

L’originalité de sa pensée, sa liberté et sa créativité ont fait de lui un psychanalyste influent au sein du Groupe des Indépendants. Ses écrits sont emprunts d’humour, d’humanisme et d’optimisme.

L’œuvre de Winnicott est très vaste, je n’évoquerai donc ici que quelques aspects de ses théories.
A partir de son observation des mères et des bébés, il développe des idées originales concernant les stades précoces du développement, période où l’enfant construit les assises de sa personnalité (sentiment de sécurité interne, confiance en soi et dans les autres, niveau d’estime de soi...). Je retiendrai notamment :

  • la notion de “good enough mother” traduit habituellement par “mère suffisamment bonne”. Elle n’est pas destinée à définir des qualités précises chez la mère réelle, mais plutôt ce que l’enfant a besoin de trouver chez ses proches (mère, père ou substituts) pour pouvoir se constituer psychiquement
  • le paradoxe de la capacité d’être seul en présence de l’Autre (la mère ou son substitut), préalable à la capacité à se séparer psychiquement (pour grandir). La mère est présente, elle laisse son bébé jouer seul mais est prête à répondre à ses appels. Le bébé perçoit la continuité de l’objet c’est-à-dire l’existence ininterrompue de sa mère, il fait en même temps l’expérience d’être contenu et bien d’autres choses encore. Quand cette expérience se déroule au mieux, elle permet l’installation d’une confiance, d’une sécurité intérieure.

Je dirai encore quelques mots ici que de sa théorie du vrai- et du faux-Self.
La caractéristique la plus marquante du faux-Self est sa soumission à ce qu’il croit deviner du désir de l’autre à son égard. Il existe chez tout le monde un faux-Self, celui que nous acquérons lors du processus de socialisation et qui nous permet d’entretenir des relations “civilisées” avec nos semblables ; il serait en quelque sorte un faux-Self “sain”, représentatif de notre capacité d’adaptation.
Au vrai-Self correspond le sentiment d’être soi. Le vrai-Self abrite ce qui est vivant en nous, ce par quoi nous existons (et ne nous contentons pas de survivre), ce qui est à la source de ce qui nous donne chez l’autre, le sentiment de l’authenticité.
Le faux-Self pathologique, quant à lui, se constitue lorsque vrai-Self et faux-Self se dissocient. Il s’agit de soustraire le vrai-Self aux empiètements de l’environnement.


Irvin D. Yalom (1931-)

Irvin D. Yalom

Né aux Etats-Unis de parents russes, ce psychiatre américain est un conteur, il raconte la psychanalyse existentielle dans des romans pédagogiques1 et il livre le résultat de ses réflexions théoriques et cliniques dans des essais2. Le film3 qui lui a été consacré et dans lequel il joue son propre rôle est, au-delà de la rencontre avec la personne de Yalom, un voyage existentiel dans la psyché humaine.

A ses yeux, la thérapie est une rencontre, au sens fort du terme, c’est-à-dire une relation profonde dans laquelle thérapeute et analysant s’impliquent. L’autre est pour Yalom un compagnon d’humanité sur le chemin de la vie (“Nous, humains, sommes tous embarqués dans le même bateau” dira-t-il lors d’une interview). Un chemin semé d’angoisses puisque chacun de nous est confronté à des questions fondamentales qu’il désigne par l’expression “enjeux ultimes de l’existence” que sont la mort, la liberté, l’isolement fondamental et l’absence de sens.

Il a remarqué dans sa pratique que la confrontation à ces fondamentaux de l’existence, aussi douloureuse soit-elle parfois, se révèle thérapeutique. Il s’agit d’activer en chacun et autant que faire se peut, le potentiel qui lui permet d’affronter le réel. C’est ainsi qu’il a créé des groupes thérapeutiques pour des personnes confrontées à une mort prochaine. Dans la thérapie individuelle, il n’élude pas ces questions fondamentales et il a remarqué que la conscience de la mort notamment peut provoquer d’importants changements personnels.

1 Notamment :
   2005, Apprendre à mourir. La méthode Schopenhauer
   2006, Mensonges sur le divan
   2007, Et Nietzsche a pleuré…
2 1980, Psychothérapie existentielle,
3 2008, Sabine Gisiger, 2015, Irvin Yalom, La Thérapie du bonheur